Monday, May 1, 2017

Dans Get Out, la final girl est un jeune garçon noir

Daniel Kaluuya dans Get Out
  1. La blague, nous la connaissons. C’est toujours le noir qui meurt en premier dans les films d’horreur. Surtout grand public. Signe du caractère dispensable des vies noires, de leur non-intérêt narratif et cinématographique. Get Out, le film réalisé par Jordan Peele, qui dans les salles françaises cette semaine, arrive donc comme une sorte d’intervention dans le cinéma d’horreur grand public. Je répète "grand public," car il existe une histoire du cinéma d’horreur noir/afro (je vous invite à lire le très bon site http://www.graveyardshiftsisters.com/ ou le livre Horror Noire: Horror Noire: Blacks in American Horror Films from the 1890s to Present). De Ganja & Hess de Bill Gunn à Wake de Bree Newsome, en passant par Les Saignantes de Jean-Pierre Bekolo, les réalisateurs et réalisatrices noires ont longtemps investi le cinéma de genre pour raconter des histoires, pour parler de leurs peurs et fantasmes. Mais de fait, ce cinéma a toujours été relégué à la marge, n’accédant pas à la distribution colossale dont Get Out a pu bénéficier.

  1. Pourtant dans le cinéma d’horreur, c’est souvent une fille qui survit à la fin. La final girl (ou pour traduire littéralement “la fille finale” mais ça serait en fait plutôt “celle qui reste”), c’est ce personnage qui après avoir vu tous autres mourir un par un, survit au monstre. Cette incarnation a bien-sûr inspiré des analyses filmique féministes et psychoanalytiques. Le cinéma de genre reflète aussi bien le sexisme que le cinéma narratif classique mais il a un potentiel subversif que les critiques féministes ont toujours essayé de capter. Qu’en est-il des jeunes garçons noirs ?

  1. Il faudrait déjà se demander: de quoi les jeunes garçons noirs ont-ils peur, eux ? Jordan Peele répond: du calme des banlieues aux maisons clones, des voitures qui vous suivent dans le noir. On se souvient de la peur de George Zimmerman. Pas celle de Trayvon Martin. On sait dans nos sociétés qui sont les monstres. La monstruosité est du côté de la noirceur. Dans Get Out, les monstres sont blancs comme neige.

  1. La première scène de Get Out nous renvoie à cet événement fatal qu’Ava DuVernay décrit dans son documentaire 13th comme le catalyseur du mouvement Black Lives Matter. Un jeune homme marche dans une rue. Il fait nuit. Il parle au téléphone et malgré son swagger et sa manière de blaguer, on sent une anxiété. Il n’aime pas être dans ce genre de banlieue aisée. On sait ce qui s’y passe. Elles peuvent être des lieux de fins de vies pour les garçons comme lui. Cette première scène est magistralement filmée. La caméra suit ce personnage (interprété par Lakeith Stanfield, de Short Term 12 et Atlanta) et tourne en rond, désorientant la spectatrice en même temps. Quand elle s’arrête enfin, c’est sur un plan terrible qui réduit au silence. A la fin du film, je me dis que le vrai personnage principal du film, c’est lui.

  1. Mais le final boy du film, c’est Chris Washington (Daniel Kaluuya). Photographe talentueux, Chris est en couple avec Rose Armitage (Allison Williams, de Girls) qui l’invite chez ses parents pour qu’ils le rencontrent enfin. Elle est blanche, il est noir et elle a omis de le dire à ses parents car nous ne sommes plus dans les années 60, Barack Obama a été élu président. Deux fois, alors tout va bien. Get Out repose sur le même pitch que Devine qui vient dîner..., le film de Stanley Kramer sorti en 1967 avec Sidney Poitier et Katharine Hepburn. Mais les goûts de Jordan Peele, moitié du binôme comique Key & Peele, sont ailleurs.

  1. Ce qui est bon dans Get Out, c’est que le réalisateur croit en ses idées et qu’il arrive surtout à les transformer en idées de cinéma.  L’inventivité du film est de rendre visible l’horreur du racisme et surtout de l’appropriation, de la dépossession caractéristique de la vie des noirs (voir l’excellente scène d’hypnose).“The Sunken Place” n’est pas juste une métaphore pour l’assimilation ou la dépossession de soi. Il arrive à la matérialiser à l’écran. Imaginez plonger dans votre siège alors que vous êtes au cinéma. Tomber dans un trou noir infiniment, personne ne vous entend.

  1. Ce casting parfait. Catherine Keener qu’on avait déjà vu effrayante dans le téléfilm An American Crime, Allison Williams dont le grand sourire et grands yeux bleus m’avaient personnellement toujours fait flipper. Et ce Caleb Landry Jones brutal et dégueu, qui a bien grandi depuis ses frisettes de Friday Night Lights. (Personnage un peu trop caricatural, donc très vite suspect). Betty Gabriel, nouveau visage inoubliable. L’hilarant Lil Rel Howery qui joue le rôle de Rod, meilleur ami soucieux et parano (mais toutefois lucide et à la fin héroïque).

  1. Car Get Out est aussi très drôle. C’est aussi un problème. On se dit que Jordan Peele ne fait pas totalement confiance au cinéma d’horreur et qu’il se sent obligé de parsemer le film de blagues et de situations cocasses. Cela ruine pour moi la fin par exemple, complètement bâclée, qui aurait été parfaite avec un plan silencieux sur le visage si beau de Daniel Kaluuya. Rien que pour lui allez le voir. Et pour faire chier des blancs, aussi. Riez très fort. Réagissez, applaudissez. C’est ce que veut ce film. Pour les rares fois qu’un film grand public nous interpelle directement et de manière si intelligente, on va pas s’en priver.

*

Merci @ Black Movies Entertainment pour l'invitation à la projection du 25 avril!

3 comments:

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